Commentaire

Perspectives à l’égard du dollar canadien : Les turbulences commerciales offrent une occasion à contre-courant de couvrir l’exposition au dollar américain

Le moment est-il venu de commencer à envisager une couverture tactique des portefeuilles? Brittany Baumann et Fred Demers présentent cinq points prudents. Ils présentent également leurs perspectives à long terme pour le dollar canadien.

03 mars 2025

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Principaux points à retenir

  • Même si les turbulences commerciales secouent les investisseurs canadiens, nous pensons que le moment est bien choisi pour envisager une couverture tactique des portefeuilles. La rotation, les évaluations, le positionnement et les perspectives des taux d’intérêt sont des raisons convaincantes, mais nous nous intéressons également aux tensions commerciales entre les États-Unis et le Canada et aux répercussions des élections fédérales canadiennes imminentes.

  • Nous soulignons d’autres facteurs qui alimenteront la vigueur du dollar canadien ($ CA) à long terme. Nous montrons comment cela justifie également une certaine rotation vers les actions canadiennes.

  • Tout nouvel affaiblissement de la monnaie à court terme pourrait offrir des occasions. Nous mettons en lumière les risques ainsi que les niveaux à surveiller.

Le dollar canadien ($ CA) s’est déprécié d’environ 9 % en 2024 par rapport au dollar américain, et la moitié de ce recul s’est produite après l’élection de Donald Trump. En 2025, le dollar canadien continue de se négocier près de ses creux des cinq dernières années par rapport au dollar américain et demeure sous-évalué (voir la figure 1). Il convient pour les investisseurs de se demander s’ils doivent ou non commencer à couvrir les actifs américains pour tirer parti de toute appréciation sur un horizon d’une à plusieurs années.

Figure 1 : Surévaluation (+) ou sous-évaluation (-) en $ CA par rapport au $ US

Source : Bloomberg, au 31 décembre 2024. Évaluations en fonction la PPA1 (estimations de l’OCDE). Les lignes pointillées indiquent un écart type de +/- 12.

La ligne bleu foncé montre la juste valeur à long terme du taux de change $ CA/$ US (en fonction de la PPA), tandis que la ligne bleu pâle montre le taux de change $ CA/$ US réel. Si la ligne bleu pâle dépasse la ligne de la juste valeur, le dollar canadien est sous-évalué, et vice versa. Actuellement, le graphique indique que le dollar canadien est nettement sous-évalué.

Pourquoi s’intéresser maintenant à la dépréciation du huard : Nos perspectives pour l’année à venir

Nous croyons qu’il y a cinq raisons de commencer à couvrir l’exposition au dollar américain aux niveaux actuels. À notre avis, ce sont toujours les perspectives qui importent le plus.

  • Rotation : Profiter des occasions pour prendre profit sur des positions en $ US et investir une partie du produit des ventes vers le $ CA.

  • Évaluation : Le $ CA est sous-évalué à court et à long terme. L’évaluation n’est pas très utile pour les prévisions de change à court terme, mais nous la jugeons utile lorsqu’il y a eu de fortes fluctuations, comme celle observée depuis le troisième trimestre de 2024.

  • Positionnement : Les positions spéculatives prises par les investisseurs non commerciaux montrent que les positions vendeur nettes en $ CA atteignent des niveaux records (voir la figure 2). Un tel positionnement extrême témoigne d’un sommet du pessimisme et peut précéder des revirements de devise, tout en limitant une nouvelle dépréciation importante (ce dont nous avons été témoins le 3 février, lorsque le dollar canadien s’est déprécié en raison des craintes de guerre commerciale, mais pas autant que les autres devises des pays du G10).

Figure 2 : Les investisseurs n’ont jamais été aussi pessimistes à l’égard du dollar canadien

Source : Bloomberg, au 12 février 2025.

  • Les perspectives des taux : Les écarts de taux d’intérêt entre les États-Unis et le Canada, qui reflètent le rendement relatif de l’économie, ont été un facteur clé de la récente dépréciation du dollar canadien, contrairement à ce qui s’était passé la dernière fois où le dollar canadien s’est négocié à ces niveaux en 2020 en raison du risque systémique lié à la pandémie de COVID-19 (voir la figure 3). Nous pensons que les écarts de taux pourraient avoir touché un creux et sont susceptibles de commencer à se rétrécir cette année, compte tenu de notre prévision d’un nouvel assouplissement de la Réserve fédérale américaine (Fed), un des principaux facteurs de dépréciation du dollar américain.

  • Malgré les craintes, des tarifs douaniers importants sont toujours le scénario le moins probable : En ce qui concerne le Canada, les tarifs douaniers de Trump constituent selon nous un outil de négociation au bout du compte et pourraient être plus facilement évités que dans d’autres pays : il y a des victoires simples à remporter (sécurité frontalière et dépenses de défense), et les États-Unis détiennent un surplus commercial avec le Canada, si l’on exclut le pétrole et le gaz. Le report de l’imposition des droits de douane par Trump depuis son investiture signifie que la mise en œuvre effective de tarifs généraux est très risquée. Comme lors de la renégociation de l’ALENA en 2017-2018, lorsque les primes étaient modestes, l’incertitude en soi ne suffit pas à justifier des primes de risque importantes.

Figure 3 : Les écarts de taux, et pas seulement Trump affaiblissent le dollar canadien

Source : Bloomberg, au 12 février 2025.

Perspectives à long terme pour le dollar canadien :

Nous pensons que les perspectives sur deux à trois ans laissent entrevoir une appréciation du dollar canadien à un peu plus de 1,30 (taux $ CA/ $ US), car : i) la Fed devrait réduire son taux à au moins 3,5 % d’ici la fin de 2026, à mesure que la désinflation s’installe; ii) la désinflation persistante et les cycles d’assouplissement à l’échelle mondiale soutiennent la croissance mondiale et la confiance à l’égard du risque, le huard étant une monnaie sensible au risque; iii) les primes de risque associées aux tarifs douaniers deviennent entièrement éliminées du marché; et iv) un gouvernement conservateur au Canada, ce que tout le monde prévoit, atténuera les tensions entre les États-Unis et le Canada et favorisera les secteurs axés sur l’avantage comparatif du Canada (ressources naturelles). De plus, M. Trump entretient de bonnes relations avec le chef conservateur canadien, M. Poilievre.

Deux risques de baisse liés au dollar canadien offriront des occasions : une économie américaine qui demeure exceptionnelle ou une guerre commerciale déclenchée par Donald Trump

  1. Le premier risque est un durcissement de ton de la Fed en réaction à une économie qui continue de défier les attentes. La forte croissance du PIB et les récentes données sur l’emploi aux États-Unis donnent à penser que l’économie pourrait maintenir son élan exceptionnel. Une croissance soutenue supérieure à la tendance pourrait laisser planer un risque que l’inflation stagne à près de 3 %. Un tel contexte pousserait probablement la Fed à faire une pause en 2025 pour éliminer l’assouplissement des prévisions du marché et stimuler la valeur du dollar américain.

  2. Le deuxième risque est que Trump impose des tarifs douaniers généraux. La monnaie est le premier mécanisme par lequel une économie absorbe un choc comme les tarifs douaniers, de sorte que nous pouvons nous attendre à ce que le huard se déprécie de quelques cents peu après l’annonce de tarifs douaniers, comme le 3 février. De nombreux événements comportant un risque extrême se profilent à l’horizon : les tarifs douaniers ont été reportés au 4 mars et Trump a donné jusqu’au 1er avril pour que soient présentées les enquêtes sur le commerce.

Si l’un ou l’autre des risques se concrétise, nous considérons que la dépréciation du dollar canadien qui en découlerait constitue une occasion de couverture. Nous dirions de façon générale, pour illustrer ces scénarios, que si les réductions de taux de la Fed devaient être entièrement éliminées du marché en 2025, la paire $ CA/ $ US devrait se négocier entre 1,48 et 1,50. À l’inverse, si des tarifs douaniers de 25 % devaient être imposés (une probabilité toujours faible, mais non nulle, à notre avis), la paire $ CA/ $ US devrait franchir le seuil de 1,50. Nous considérerions ces niveaux comme des occasions de couverture, étant donné notre point de vue selon lequel les hausses de taux de la Fed sont toujours improbables et les tarifs seront temporaires et pousseront le Canada rapidement à la table de négociation.

Positionnement des portefeuilles

Dans nos portefeuilles de FNB vedettes, nous avons commencé à mettre en place de très petites couvertures du dollar américain par rapport au dollar canadien lorsque le taux de change a dépassé 1,43, et nous prévoyons d’augmenter cette couverture en cas de nouvelle faiblesse, comme décrit ci-dessus. Depuis la fin de 2024, la sous-pondération des actions canadiennes est passée à un niveau plus neutre. Le raffermissement du dollar canadien par rapport au dollar américain au cours de la prochaine année est une raison d’envisager une rotation vers les actions canadiennes. Si d’autres facteurs sont importants, la monnaie est centrale : Les actions canadiennes (S&P/TSX) sont fortement corrélées3 au dollar canadien (voir la figure 4).

Figure 4 : Les actions canadiennes sont positivement corrélées aux fluctuations du dollar canadien

Sources : Bloomberg, BMO Gestion mondiale d’actifs, au 5 février 2025.

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1La parité du pouvoir d’achat (PPA) est un indicateur populaire d’analyse macroéconomique utilisé pour comparer la productivité économique et le niveau de vie entre les pays.

2Écart type : une mesure du risque en fonction de la volatilité des rendements. Il représente le niveau historique de volatilité des rendements sur des périodes déterminées. Un écart type plus faible signifie que les rendements ont été historiquement moins volatils et vice versa. La volatilité historique n’est peut-être pas représentative de la volatilité future.

3Corrélation : Mesure statistique de la façon dont deux titres fluctuent l’un par rapport à l’autre. Une corrélation positive indique des mouvements similaires (les actifs montent et descendent ensemble), tandis qu’une corrélation négative indique des mouvements opposés (un des actifs monte, l’autre descend).

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